L'HISTOIRE DE NEUTEU ET

QUELQUES CARACTERISTIQUES

 

(l'histoire de Neuteu a été tirée du livre "La monographie de Novel" écrit par Gaston Brouze)

C’est en 1514 que la commune de Novel acquit de l’Abbaye d’Abondance le pâturage de Neuteu qui fut toujours considéré comme l’une des possessions des plus intéressantes et la plus utile pour la bonne marche de l’économie agricole locale. En effet, les bestiaux étant mis en pension dans cette vaste et riche montagne, les paysans pouvaient durant la belle saison s’adonner dans le pays, aux différentes cultures et surtout engranger pour l’hiver le maximum de foin et de regain.

 

La superficie de Neuteu est de 174 ha 81 ca, mais l’extension de la pâture est limitée par des escarpements côté nord et par les versants très inclinés à l’Est et à l’Ouest ; remarquons cependant que nos vaches montagnardes ne semblent pas être sujettes au vertige ni craindre la déclivité.

 

Le sous-sol de cette montagne est formé de calcaire tendre veiné de fissures. L’une d’elle, non loin des chalets, au centre d’une dépression parsemée de rocs, permet d’accéder à une profonde grotte comme il doit en exister d’autres dans ce terrain très découpé. Dès les premières années de son acquisition, le pâturage fut soumis à une réglementation très stricte et bien définie. Quelques jours avant “l’emmontagnée”, les sociétaires se concertaient pour répartir les corvées comme, réparer les chemins, emménager les chalets, consolider ou changer quelques « solans », transporter le matériel, barattes, chaudières, « bagnolets », seillons, moules, literie, sans oublier le petit matériel et même le trocart en cas de « gonflement ». Tous les propriétaires devaient monter du bois à raison de trois bûches par vache « inalpée ».

 

L’autorité municipale fixait les salaires du personnel, de concert avec le fruitier et les délégués des sociétaires. On décidait les dates de pesées des traites pour quantifier les parts de fromage et de beurre à remettre en fin de saison à chaque propriétaire. Les produits distribués en cours de saison étaient minutieusement inscrits sur un cahier ad hoc pour être décomptés lors de la distribution finale.

Le jour de la montée de l’alpage, brand branle-bas, mais aussi jour de fête pour les enfants en congé exceptionnel. Grands et petits se sont levés de bonne heure ; les enfants de peur d’être oubliés, les parents de peur d’oublier quelque chose. A l’étable on complète la toilette des bêtes qui, la veille, ont déjà été soigneusement étrillées ; une poignée de foin pour calmer les ardeurs ; puis la traite est rapidement terminée. Enfin le concert des sonnailles et des clarines annonce le départ, chaque sociétaire s’occupant de son bétail. Fièrement les vaches font tinter leurs « campannes » et leurs « potets ». Une bête surtout attire l’attention, elle est belle et forte. A son cou pend le « douze », la plus belle grande sonnaille existante : les cloches en effet sont numérotées, par ordre de grandeur, de la plus petite à la plus grosse. Trop lourde, elle n’est portée que pour la montée et la descente de l’alpage.

Au passage, les vaches de la Planche se joignent au cortège. A la montée des Nez l’herbe tendre ralentit la marche. La traversée de la forêt ne pose pas de problème. Mais au pas de Neuteu la pente est raide, la fatigue se fait sentir. Enfin nous voilà arrivés reçus par le « patron ».

Sous ses ordres plusieurs personnes se repartissent les différentes tâches. Le « boube », assure le nettoyage de la fruitière et des chalets, allume et entretien le feu, seconde le « fruitier » pour baratter le beurre et s’occupe des quelques cochons à qui il « verse » la « laitia » c’est à dire le petit-lait, qui reste dans le chaudron après la fabrication du fromage. Le « genior » assure le ravitaillement qu’il descend chercher au village. Les pâtres, en patois : « pâtàs », jeunes gens de Novel, surveillent le troupeau qu’ils rentrent chaque soir sans trop de peine, car les vaches connaissent l’étable et les places qu’elles doivent occuper. Pour la traite tout le « monde » s’aide, soir et matin.

 

Il existait autrefois à Neuteu dix chalets appelés granges inscrits à la matrice de 1732 sous les numéros 820 à 829 inclus. On en voit encore les vestiges grâce aux imposantes pierres qui constituaient les fondations ; les toitures étaient faites de planches ; elles furent emportées aux environs de 1850 par un cyclone d’une rare violence. On délimitera alors la surface sur laquelle pouvaient et devaient être construits les nouveaux chalets. En 1867 le cadastre indique trente chalets numérotés de 2175 à 2205 inclus ; En 1976 ils sont inscrits sous les no 548 à 577 inclus. En 1953 dix chalets étaient encore debout : sept couverts en « tavaillons » et trois avec des tôlés. Mais bientôt, seuls ces derniers subsistèrent.

Autrefois tous les chalets étaient soigneusement entretenus. Toutes les vaches étaient estivées à Neuteu. Mais, après la « Grande Guerre » le cheptel diminua rapidement. Ce qu’il en restait était mis en pension soit à Neuvaz soit à l’Aulph-de-Morge où exerçait encore un « fruitier ». En 1965, il ne restait plus aucune vache à Novel.

La « montagne » de Neuteu abandonnée, fut alors utilisée par un éleveur de St-Gingolph-Suisse qui y conduisit chaque année un important troupeau de moutons, sous la garde permanente d’un berger novellan chevronné, Pierre Clerc-Maréchal. (1900-1981) qui cessa son activité en 1975. En 1985 la commune loua la montagne de Neuteu, mais l’alpagiste adjudicataire ne l’utilisa jamais faute de route carrossable ou tout au moins de chemin jeepable. 

Attristé par le spectacle des ruines, Gaston Brouze et son fils Pierre Benoît décident de faire revivre Neuteu, singulier séjour que nos aïeux construisirent avec tant de peine au fil des années. Commencé les premiers jours de juillet 1984 le chalet Pierre Benoît est inauguré le 17 août 1984. Pour conserver l’aspect primitif, les murailles en pierre s’élèveront jusqu’à la panne sablière. L’élan est donné : Neuteu revivra ; En juillet 1991 s’achèvera la construction du chalet « Isabelle » dans l’interêt de l’environnement et de la conservation du patrimoine.

Dans le même temps, deux autres chalets résurgissent de très belle apparence, mais pour la superstructure, le bois remplace en bonne partie la pierre.

Nos ancêtres n’étaient pas riches. Ils construisaient avec les moyens du bord, le bois du pays et la pierre détachée de la montagne. ainsi, faute de moyens financiers, la nature n’était pas défigurée. Une fois de plus, en cette circonstance, le célèbre proverbe se justifie « Pauvreté n’est pas vice » Espérons que l’enrichissement n’enlaidisse pas notre charmante thébaïde par l’emploi du morne béton ! Au fil des ans, une prospection attentive des points d’eau a permis de récupérer une source intarissable de bonne qualité. Au flanc de la montagne, au-delà de la cascade, sous un éperon rocheux de genévriers, à 1750 d’altitude, Gaston et Pierre Benoît Brouze creusent un profond captage et fixent solidement un réservoir préfabriqué. Pour la première fois, le 21 septembre 1985, par une canalisation souterraine de 400 mètres à l’abri des avalanches et des glissements de terrain, l’eau jaillissait près du plus haut chalet de Neuteu. Autrefois les bêtes et gens s’alimentaient au torrent. Maintenant, il n’y a plus de vaches mais trois bassins recueillent une eau fraîche et limpide à la grande satisfaction des promeneurs et surtout des randonneurs qui empruntent le GR5.

 

Que la montagne est belle ! ..., Plus belle encore lorsqu’elle se mire dans les eaux calmes d’un lac ! En 1986, le 16 juillet un rêve se réalisait. Le lac de Neuteu renaissait. Grâce au débit constant des sources qui l’alimentent, son niveau ne varie jamais. Parure de la montagne, comme les lacs voisins de Darbon et de Lovenex, il est un but de promenade inoubliable. C’est un attrait de plus sur le chemin du GR5 (chemin de grande randonnée No 5). Pour plus d’agrément encore, en souvenir de nos ancêtres, avec une très ancienne poutre apportée antan en ce lieu, nous avons érigé une grande croix sur un éperon rocheux. De là nous embrassons d’un coup d’œil, à nos pieds, tout le vallon de Novel et dans le lointain, une grande partie du Léman et de la rive vaudoise. Aux endroits les plus propices, à l’abri des avalanches, nous pouvons admirer de très beaux mélèzes plantés en 1985, ils pourraient être plus nombreux si le feuillage de quelques uns n’avait pas fait le délice des bouquetins. C'est en 2002-2003 qu'est érigé un oratoire en l'honneur de Saint Roch.

(l'histoire de Neuteu a été tirée du livre "la monographie de Novel" écrit par Gaston Brouze)